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7 champagnes entre tradition et sélections parcellaires

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Didier Gimonnet et la relève, Arnaud et Pierre-Guillaume Gimonnet, vignerons en Côte des Blancs depuis le XVIIIème siècle.

Le dérèglement climatique oblige nombre de vignerons à reconsidérer le « terroir » pour mieux l’exploiter. Par « terroir » on entend tout un ensemble d’éléments qui impactent la vigne et le vin. Il englobe la composition du sol, l’exposition du terrain au soleil et l’inclinaison de sa pente, l’altitude, ainsi que la main de l’homme car sans son intervention, pas de vigne ni de vin bien sûr. Avec le changement climatique donc, depuis quelques années, la grande tendance chez les vignerons champenois est à l’élaboration de cuvées parcellaires. Elles sont façonnées à partir de raisins cultivés et récoltés sur une seule et même parcelle, un lieu-dit sélectionné en fonction de son « terroir » très spécifique, à l’origine de champagnes identitaires, d’une typicité unique. Le travail sur mesure et le soin méticuleux qu’elles exigent de la vigne au verre ainsi que leur production très limitée peuvent expliquer leur prix élevé. Surtout si le champagne est millésimé. Mais alors comment justifier les prix de simples bruts, ces champagnes d’entrée de gamme des grandes marques produits en quantité industrielle ? Dégustés à l’aveugle, les cuvées à tarif élevé sont-elles vraiment meilleures que leurs petites camarades à prix raisonnables ? En attendant de vous faire votre propre opinion voici 4 jolis champagnes traditionnels et 3 parcellaires.

Remy Bertin, Tradition, Extra Brut : renaissance d’un domaine

La marque Remy Bertin nait (dans les années 60) via le mariage de Henri Remy et Jeanine Bertin. Ils achètent leurs premières parcelles de vignes sur le territoire de Verneuil (Vallée de la Marne), agrandissent l’exploitation avant d’arrêter leur activité en 1990. Leur petite-fille Sandie et son époux Ludovic décident de relancer la marque Remy Martin. Grâce semble-t-il à la coopérative H. Blin (productrice de jolis champagnes à petits prix par ailleurs) qui élabore leurs cuvées à Vincelles, un village voisin et les distribue.

Tradition montre à l’œil une robe d’un or soutenu, une effervescence vigoureuse. Facile à boire avec ses notes de pomme et d’abricot, il laisse en finale, salivante, une impression de grande fraîcheur qui persiste longuement. Vu son indiscutable rapport qualité-prix, toutes les occasions sont bonnes pour ouvrir ce champagne agréable et gourmand grâce à la domination flatteuse du meunier dans son assemblage. De plus, cette bouteille est parée d’une jolie plaque de muselet.

Cépages : 80 % de meunier. Note : 15/20. Prix : 22 €.

Louis Régnier, Blanc de Blancs, Brut : un excellent rapport qualité/prix

Désirant ne pas rester les bras croisés à l’heure de la retraite, 2 anciens commerciaux d’un grand groupe de spiritueux (ils préfèrent garder l’anonymat…) décident en 2002 de s’associer pour créer une marque de champagne. Ainsi naquit Louis Régnier, à partir de raisins provenant essentiellement de la région du village viticole de Cumières, adossé au vignoble de la Montagne de Reims, près d’Epernay.

Tout d’abord rond, plein et charnu, le champagne manifeste soudain sa complexité aromatique, se faisant à la fois impétueux et raffiné, mêlant notes d’agrumes (pamplemousse, citron), brioche au beurre, chaude et moelleuse, à une franche minéralité saline qui se poursuit jusqu’en finale, citronnée, idéale pour escorter notamment plateaux de fruits de mer et poissons nobles à la crème. Un excellent rapport qualité prix pour un Blanc de Blancs, dosé en extra brut qui plus est (5 g/l), même si l’étiquette annonce un Brut. J’en ai acheté plein de bouteilles…

Cépage : 100 % chardonnay. Note : 16/20. Prix : 32 €.

Chassenay d’Arce, Confidences 2012 Brut : une délicieuse cuvée de prestige à prix plancher !

Cette coopérative auboise fondée en 1986 par 5 viticulteurs, compte désormais 130 adhérents cultivant 315 hectares de vignes dans 14 villages de la Vallée d’Arce. Sa cuvée haut de gamme provient de ses plus anciennes vignes de pinot noir, chardonnay et pinot blanc et c’est un pur régal.

Avec l’âge, la robe de ce champagne a pris une belle couleur vieil or chapeautée par une mousse bien blanche et crémeuse formée grâce à la multitude de micro bulles avides de prendre l’air, d’éclore à la surface. La richesse aromatique évolue tout au long de la dégustation et l’on reste sous le charme de ce vin charnu, intense, complexe et majestueux, idéalement équilibré entre rondeur et acidité. Il flatte le palais avec ses saveurs d’orange sanguine, de noisette et d’amande fraîches, de fleurs, de mirabelle, de baies rouges, de fruits confits, de tabac… C’est le bon moment pour profiter de cette superbe cuvée, d’un rapport qualité/prix imbattable pour une cuvée de prestige, la plus prestigieuse et haut de gamme de la cave coop. 3 155 bouteilles de cette cuvée ont été produites.

Cépages : 83 % pinot noir, 15 % chardonnay, 2 % pinot blanc. Note : 17/20.  Prix : 57,10 € au caveau.

Pierre Gimonnet et Fils, Spécial Club, Cuis 1er Cru 2018 Extra Brut : un magnifique champagne de vigneron

Lancée à l’automne 2023, cette cuvée s’est glissée dans la collection de champagnes Mono Terroir Premium Spécial Club de la maison Gimonnet connue pour ses vins droits et précis. Certes, depuis 100 ans, la famille façonne un champagne non millésimé à partir de son vignoble historique de Cuis (15 ha sur les 30 que fédère le domaine) mais jamais encore elle n’avait élaboré un grand vin 100 % Cuis, terroir connu notamment pour sa fraîcheur, sur la Côte des Blancs. Ici encore, le changement climatique redistribue les cartes. « Les maturités nouvelles obtenues ces dernières années sur les parcelles de ce vignoble ouvrent de nouvelles voies », argue Didier, l’un des frères Gimonnet. 2 lieux-dits ont été sélectionnées pour l’élaborer : Croix Blanche (85 %), parcelle située de part et d’autre de la demeure familiale et Roualles (15 %) qui s’étire sur les hauteurs du village, au pied des falaises.

De très fines bulles animent la robe pâle de ce magnifique champagne de vigneron qui exhale des arômes de fruits blancs. Des notes de brioche chaude, de poire mûre et juteuse s’invitent en bouche ronde et complexe, nantie d’une belle minéralité crayeuse et d’un équilibre évident entre tonicité et plénitude. La finale s’étire longuement, agréablement citronnée, tout aussi distinguée que l’attaque et le milieu de bouche.

Note : 17/20. Cépage : 100 % chardonnay. Prix : environ 54 €

Sanchez-Le Guédard, Rosé Brut, bio : un rosé de saignée à la fois généreux et impétueux

Dans les années 50, Bernard Le Guédard commence par louer quelques vignes à Cumières, dans la Vallée de la Marne. Peu à peu, il achète des terres et finit par transmettre son domaine à sa fille Patricia et à son gendre José Sanchez. L’exploitation est désormais menée par leur fils Sébastien, fier de représenter la 3ème génération de vignerons. Le vignoble de 5 hectares est certifié AB depuis 2016.

Au premier regard, l’on sait qu’il s’agit là d’un rosé de saignée. C’est-à-dire de macération (la peau des raisins rouges macère avec le jus lui conférant sa couleur foncée) et non pas d’assemblage (mélange de vins rouges et blancs). La robe est intensément groseille, à reflets cuivrés, cognac même. Le cordon formé par la mousse bien blanche et crémeuse, tranche joliment avec la couleur sombre du vin. Au nez, des arômes régressifs de grenadine ainsi que de fleurs (rose, violette) et de fruits frais (cassis, fraise, cerise noire). Ample, généreux et plein en bouche le champagne reste impétueux jusqu’en finale, droite, soulignée par des petits tanins très fins bien intégrés ainsi que par une belle persistance aromatique.

Cépage : 100 % pinot noir. Note : 15/20. Prix : 54 €.

Gosset Grand Rosé Brut : de la dentelle pour ce rosé d’assemblage

Une robe légère, couleur abricot, pâle et tendre, scintillante, d’où fusent des arômes de framboise et de fraise des bois exacerbés par le picotement au nez des bulles extra fines qui s’épanouissent à la surface en un cordon persistant. L’attaque suave est suivie par une belle droiture en bouche, portée par de nobles amers (agrumes), une énergie vibrante. De la dentelle. On garde longtemps le vin en bouche, on s’y attarde en le faisant lentement circuler autour de la langue. Harmonieux, il caresse le palais avec élégance et distinction, le charmant par son toucher soyeux, sa souplesse, sa finesse, sa rondeur, ses beaux arômes de petites baies rouges fraîches et mûres (fraise des bois encore). Ce très joli rosé patiente au moins 4 années en cave après la mise en bouteille.

Cépages : 55 % chardonnay, pinot noir grand cru (37 %), 8 % de vin rouge de Bouzy, d’Ambonnay, de Cumières. Note : 17/20. Prix : 64 €.

A & J Demière, Les Lieux-Dits, Symbole La Côte du Diable 2018, Brut Nature : le bouleversement climatique change la donne une fois encore

Après Fernand Demière qui planta les premiers pieds de vigne en 1936 sur le terroir de Fleury la Rivière puis son fils Jack qui agrandit le vignoble, c’est au tour d’Audrey et de Jérôme, 3ème génération, d’assurer l’avenir du domaine dont ils ont repris l’exploitation début des années 2000.

Nous devons ce champagne à Jack qui, en 1970, plante du meunier sur le lieu-dit La Côte du Diable. Une parcelle considérée comme « diabolique » par les anciens, angoissante avec ses brumes et brouillards stagnants, très compliquée à travailler à cause du terrain en pente qu’ils qualifiaient de « terre amoureuse » : une jolie expression pour évoquer l’argile noire qui colle aux pieds. Les vignerons redoutaient également l’humidité permanente qui régnait ici ainsi que les gelées fréquentes en hiver. Enfin bref, un terroir peu attirant à l’origine, jusqu’à ce que le dérèglement climatique change la donne : en diminuant, nappes d’eau ont rendu le fameux lieu-dit beaucoup plus attrayant.

La 3ème génération vinifie cette cuvée à la façon des anciens : pressurage lent en « coquard » traditionnel, vinification en foudre de 10 hl, tirage liège, dégorgement à la volée -à la main- et, au moment du dosage, pas de sucre ajouté. Un Brut Nature donc aux bulles abondantes, doré, qui met en exergue des saveurs de prune jaune, de coing confit associées à une belle salinité. Dans ce champagne, la gourmandise du meunier, le fruité flatteur, immédiat et moelleux du cépage donne un champagne facile à boire. 2 014 bouteilles de cette cuvée ont été produites.

Cépage : 100 % meunier. Note : 15,5/20. Prix : 67 €.

Christian Gosset, Blanc de Chardonnay, Croix Courcelles 2020, Grand Cru Aÿ, Extra Brut (3 g/l) : une cuvée vinifiée puis élevée en fût de chêne

C’est avec la récolte 2016 que Christian Gosset crée sa première cuvée. Il aime dire que ses « champagnes racontent la diversité des terroirs d‘Aÿ ». Et ses 4,5 ha offrent effectivement une diversité d’expositions, de pentes, d’altitude et de sols. Un terroir qu’il valorise via notamment 5 cuvées parcellaires.

Situé à l’entrée du village, en bas de coteau, le lieu-dit Croix Courcelles descend en pente douce, doté d’un sol crayeux, de tous les attributs semble-t-il pour faire face au dérèglement climatique. Quoi qu’il en soit, la récolte 2020 composant la cuvée fut précoce (fin août de cette année) avant d’être vinifiée puis élevée en fût de chêne.

Le nez de pêche blanche et de poire mûres de ce 2020 est appétent, légèrement boisé. L’attaque tendre est vite contrée par une franche vivacité. Après quelques instants à température ambiante, si le champagne très peu dosé reste tout aussi salivant, la rondeur et la chair jouent des coudes, prenant le pas sur l’acidité prégnante du début. Finale fruitée, vibrante, saline, sur des notes de Granny Smith.

Cépage : 100 % chardonnay. Note : 15,5/20. Prix : 95 €.

Les prix sont donnés à titre indicatif, évoluant selon les sites, les saisons les promos…